MiCA : Evaluation de l’adéquation des crypto-actifs et services sur crypto-actifs.

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MiCA : Evaluation de l’adéquation des crypto-actifs et services sur crypto-actifs.

Dans un précédent article, Marion PERESSE-BRILLEAUD, Responsable Fintech du cabinet d’avocats LCO.LEGAL, a exposé le cadre réglementaire à venir pour les services de conseil et de gestion de portefeuille sur crypto-actifs et l’intérêt d’anticiper ce dernier.

L’appétence pour les crypto-actifs est grandissante, notamment chez les conseillers en investissement financiers (« CIF »), les sociétés de gestion de portefeuille (« SGP ») et les family offices (« FO »).

Dans ce contexte, le règlement MiCA publié le 31 mai 2023 et qui entre pleinement en application le 30 décembre 2024, prévoit des règles adaptées aux services de conseil en crypto-actifs et de gestion de portefeuille sur crypto-actifs.

L’une des mesures phares prévues par MiCA et concernant ces services est l’évaluation de l’adéquation au profil du client ou du client potentiel, des crypto-actifs et des services sur crypto-actifs avant leur recommandation ou leur investissement dans le portefeuille géré pour le client.

De quoi s’agit-il ? Quelle en sera la mise en œuvre pratique par les prestataires de services sur crypto-actifs ?

De quoi s’agit-il ?

MiCA introduit dans son article 81, l’obligation pour les prestataires des services de conseils et de gestion de portefeuille sur crypto-actifs (« PSCA»), d’évaluer si les services sur crypto-actifs ou les crypto-actifs proposés sont adéquats au client ou au client potentiel.

L’évaluation de l’adéquation n’est pas une nouveauté pour les entités financières fournissant déjà les services de conseil en investissement et/ou de gestion de portefeuille sur des instruments financiers. Cette obligation régie par la directive MIF 2 a été étendue aux CIF par une mise à jour de sa doctrine DOC-2006-23 de l’Autorité des marchés financiers (« AMF »).

Par ailleurs, il s’agit d’une règle de conduite dont l’AMF veille à assurer le respect, en sanctionnant comme récemment par une décision du 19 juin 2023[1], les insuffisances du dispositif d’évaluation de l’adéquation. Ainsi, cette règle est susceptible de faire l’objet d’une singulière attention de l’AMF.

Comment concrètement réaliser une évaluation de l’adéquation ?

L’évaluation de l’adéquation est un dispositif qui se décline en plusieurs étapes :

  • L’élaboration, le maintien et la mise en œuvre des procédures de recueil et d’étude des informations nécessaires ;
  • La vérification de la fiabilité des informations recueillies ;
  • L’élaboration d’un rapport d’évaluation à destination du client ;
  • La réévaluation au moins tous les deux ans de l’évaluation initiale.

L’Autorité européenne des marchés financiers (« ESMA »), a publié le 25 mars 2023, une consultation sur les orientations relatives à l’évaluation de l’adéquation de MiCA, en se basant sur les règles existantes selon la directive MIF 2.

Pour les instruments financiers, les critères d’évaluation de l’adéquation peuvent varier en fonction du leur niveau de complexité et de risque. Cependant, pour les crypto-actifs, cette différenciation est moins pertinente, car selon l’ESMA, il n’existe pas de crypto-actifs considérés comme « sûrs ».

  • Si un titre de capital est un instrument financier non complexe, pour l’ESMA tout crypto-actif serait complexe, en ce qu’il implique notamment un aléa technologique[2].

L’évaluation de l’adéquation selon MiCA se distingue aussi par l’absence d’une obligation de tenir compte de la durabilité d’un crypto-actif. Toutefois, l’ESMA préconise aux PSCA de collecter et tenir compte des informations sur les préférences ESG des clients.

L’information préalable aux clients :

Les PSCA informent leurs clients sur l’objectif de l’évaluation de l’adéquation. Ils encouragent les clients à fournir des informations exactes et complètes, et évitent toute ambiguïté ou confusion sur leur responsabilité dans le processus d’évaluation.

Les dispositions nécessaires pour comprendre les clients :

Les PSCA doivent s’assurer que les questions posées aux clients sont spécifiques et compréhensibles. La méthode utilisée pour collecter les informations doit permettre d’obtenir des informations exhaustives. Ils doivent également s’assurer que les clients comprennent les risques inhérents à l’utilisation de la blockchain sur laquelle les crypto-actifs sont déployés.

  • Par exemple, le recueil de ces informations pourra comprendre, une information sur les risques (eg. Pannes de la blockchain, volatilité, cyber-attaques, etc.), un questionnaire d’évaluation, la simulation de scénarios (profits/pertes) et un entretien avec le client.

Les informations à recueillir :

L’ESMA précise que les crypto-actifs doivent être considérés comme étant risqués et complexes, augmentant ainsi les exigences de quantité et de granularité des informations à collecter.

Les informations nécessaires comprennent la connaissance et l’expérience du client, sa situation financière, ses objectifs d’investissement et sa compréhension de base des risques liés à l’achat de crypto-actifs.

Pour les crypto-actifs peu liquides (eg. non admis sur une plateforme de négociation), les informations nécessaires à collecter doivent inclure des informations sur la durée pendant laquelle le client souhaite conserver ce crypto-actifs.

La fiabilité des informations recueillies :

Le PSCA doit prendre des mesures raisonnables pour s’assurer que les informations fournies par le client sont fiables. Il s’agit notamment de garantir que le client est conscient de l’importance de fournir des informations exactes et à jour, que les questions posées aux clients sont susceptibles d’être comprises, et de vérifier la cohérence des réponses et des informations fournies par les clients.

La mise à jour des informations des clients :

Tout au long de la relation d’affaires, le PSCA doit déterminer une fréquence de mise à jour de certaines informations.

  • Par exemple, le changement du mode de consensus de la blockchain sur laquelle est déployé un crypto-actif (eg. le passage d’ETHEREUM au proof-of-stake en 2022), pourrait être un événement nécessitant une réévaluation de l’adéquation.

L’évaluation des alternatives :

De plus, selon les propositions d’orientations de l’ESMA, les politiques et procédures d’adéquation doivent garantir une évaluation approfondie des alternatives possibles en matière de crypto-actifs et de services de crypto-actifs.

Cela concerne toute décision sur chaque crypto-actif qui sera recommandé ou investi dans le portefeuille géré pour le compte du client. L’évaluation des alternatives tient compte des coûts et de la complexité des produits.

La réévaluation périodique de l’adéquation :

La PSCA doit au moins tous les 2 ans à compter du jour du rapport d’évaluation de l’adéquation initiale, procéder à une réévaluation de l’adéquation.

Cette réévaluation peut prendre la forme d’un nouveau questionnaire rempli par le client et d’une mise à jour du profil du client. Cela implique d’avertir le client lorsqu’un crypto-actif n’est plus adéquat, eu égard aux changements du profil du client.

La compétence du personnel fournissant les services de conseil et de gestion de portefeuille sur crypto-actifs :

L’une des mesures à anticiper est la formation du personnel impliqué dans le processus d’évaluation de l’adéquation. Ce dernier doit posséder un niveau adéquat de compétences, de connaissances et d’expertise. Cela passe notamment par l’obtention des compétences nécessaires pour accomplir le processus d’évaluation de l’adéquation conformément aux exigences réglementaires.

Conclusion :

S’il existe des similitudes entre l’évaluation de l’adéquation selon MiCA et le régime applicable aux instruments financiers, il incombera aux professionnels de se préparer à adapter leurs politiques et processus internes aux multiples spécificités propres aux crypto-actifs.

Cette préparation doit être anticipée, elle implique notamment la cartographie des politiques et processus existants et des adaptations nécessaires, mais aussi l’identification des nouvelles pratiques métiers qui seront soumises à la réglementation.

Cet article a été écrit par Marion PERESSE-BRILLEAUD, Responsable Crypto/Fintech et Egide Mugande, Juriste Crypto-Fintech du cabinet d’avocats LCO.LEGAL.

LCO.LEGAL est un cabinet d’avocats en droit des affaires et fiscalité et se distingue par son positionnement sur les secteurs innovants et notamment sur les secteurs du web3 et de la fintech. Grâce à une approche pluridisciplinaire, L.CO.LEGAL traite les enjeux financiers, business et techniques de ses clients. Experte en regulatory, l’équipe du cabinet propose son expertise notamment dans le cadre de la mise en conformité des sociétés au regard des réglementations (nationales et européennes) applicables ou futures.

[1] Décision SAN-2023-08 ; Décision SAN-2023-09 Par deux décisions, la Commission des sanctions de l’AMF sanctionne deux prestataires de services d’investissement pour des manquements à leurs obligations professionnelles | AMF (amf-france.org)

[2] Point 64, ESMA, Draft technical standards and guidelines specifying certain requirements of the Markets in Crypto Assets Regulation (MiCA) – third consultation paper