MiCA : Conseil et gestion de portefeuille sur crypto-actifs – Incitations pécuniaires et non-pécuniaires.

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MiCA : Evaluation de l’adéquation des crypto-actifs et services sur crypto-actifs.

 

Dans un premier article, Marion PERESSE-BRILLEAUD, Responsable Fintech du cabinet d’avocats LCO.LEGAL, a exposé le cadre réglementaire à venir pour les services de conseil et de gestion de portefeuille sur crypto-actifs. Un deuxième article a abordé l’obligation d’évaluation de l’adéquation des services sur crypto-actifs et des crypto-actifs au profil du client.

L’appétit des conseillers en investissement financiers (« CIF »), les sociétés de gestion de portefeuille (« SGP ») et les family offices (« FO ») pour les crypto-actifs est grandissant.

Dans ce contexte, le règlement MiCA (« MiCA ») qui entre en application le 30 décembre 2024, prévoit des règles spécifiques aux services de conseil et de gestion de portefeuille sur crypto-actifs.

Ces services pourront être fournis par certaines entités financières déjà régulées sur la base d’une simple notification à l’autorité compétente. Tandis que d’autres entités, dont les CIF, devront demander au préalable l’agrément MiCA de prestataire de services sur crypto-actifs (« PSCA ») s’ils souhaitent proposer des services sur crypto-actifs.

Un encadrement rigoureux des incitations pécuniaires et non-pécuniaires :

MiCA encadre particulièrement la perception par le PSCA, d’incitations pécuniaires ou non-pécuniaires de la part de tiers. En effet, ces incitations sont susceptibles de causer le non-respect de l’obligation pour les PSCA d’agir de manière honnête, loyale et professionnelle au mieux des intérêts des clients et clients potentiels.

Le règlement MiCA, élaboré en s’inspirant de la directive MIF 2, prévoit deux principales incitations qui sont également prévues dans la même directive et ses textes d’application.

D’une part, il s’agit « des rémunérations reçues du client », qui ne sont pas soumises à des contraintes particulières, étant moins susceptibles de léser les intérêts des clients. D’autre part, « des rémunérations reçues des tiers » tels que les émetteurs qui créent et offrent au public les crypto-actifs ou encore d’autres PSCA et dont la perception est strictement encadrée[1].

S’agissant de l’encadrement des incitations reçues des tiers, MiCA opère une distinction, premièrement selon le type de service sur crypto-actifs, et deuxièmement selon que ce service soit fourni de manière indépendante ou non-indépendante.

Une interdiction de principe pour le service de gestion de portefeuille de crypto-actifs :

Concernant le service de gestion de portefeuille de crypto-actifs, l’article 81 point 5 du règlement MiCA prévoit une interdiction de principe de perception par le PSCA d’incitations pécuniaires ou non-pécuniaires « payées ou fournies par un émetteur, un offreur, une personne qui demande l’admission à la négociation ou un tiers, ou une personne agissant pour le compte d’un tiers, en relation avec la fourniture de services de gestion de portefeuille ».

L’incitation pécuniaire pourrait consister pour le gestionnaire, à inclure dans le portefeuille d’un client, un type de crypto-actif, en raison d’une rémunération qui lui est versée par l’émetteur dudit crypto-actif et non pas exclusivement dans l’intérêt du client.

Cette interdiction ne connaît pas d’exception, y compris pour des incitations non-pécuniaires mineures.

Le service de conseil en crypto-actifs :

Concernant le service de conseil en crypto-actifs, le règlement MiCA reprend la distinction de la directive MIF 2 sur le conseil fourni de manière indépendante ou de manière non-indépendante[1].

Un service est fourni de manière indépendante lorsque le prestataire respecte des règles relatives à la quantité et à la diversité de l’éventail des crypto-actifs recommandés.

Le prestataire doit également respecter des règles sur sa rémunération, notamment en évitant des relations économiques et contractuelles si étroites qu’elles risqueraient de remettre en cause son indépendance.

Lorsque le service est fourni de manière indépendante, MiCA interdit en principe la perception et la conservation par le prestataire, « des frais, commissions ou avantages pécuniaires ou non-pécuniaires payés ou fournis par un tiers ou par une personne agissant pour le compte d’un tiers en rapport avec la fourniture du service aux clients ».

Toutefois, après une information préalable au client, ce prestataire peut percevoir des avantages non-pécuniaires à la double condition (i) d’améliorer la qualité des services sur crypto-actifs et (ii) être raisonnables et proportionnés de sorte qu’ils n’influencent pas le comportement du prestataire d’une manière contraire aux intérêts du client.

Lorsque le service est fourni de manière non-indépendante, le prestataire peut, après une information préalable au client, percevoir des incitations pécuniaires ou non-pécuniaires à condition que le paiement ou l’avantage, sous deux conditions cumulatives :

  • D’une part, l’incitation doit avoir pour objet d’améliorer la qualité du service fourni au client.
  • D’autre part, l’incitation n’empêche pas le respect par le conseiller en crypto-actifs de son obligation d’agir de manière honnête, équitable et professionnelle au mieux des intérêts de ses clients.

L’obligation d’information préalable :

L’information préalable du client sur les modalités de perception des incitations est un prérequis à leur perception par le PSCA.

En ce sens, MiCA prévoit que le client est clairement informé de la nature et du montant du paiement de l’incitation qui sera perçue par le PSCA. Lorsque le montant ne peut être établi, le mode de calcul du montant de l’incitation doit être communiqué au client.

Ces informations sont communiquées d’une « manière complète, exacte et compréhensible », avant que le service sur crypto-actifs concerné ne soit fourni.

Les PSCA devront faire preuve de rigueur dans le détail des informations fournies au client. L’AMF considère par exemple que l’information sur la possibilité du versement d’une rémunération donnée par un PSI n’est pas suffisante[2]. Ainsi, une formulation du type : « le PSCA est susceptible de percevoir des rétrocessions au titre de certains investissements réalisés pour le compte de ses clients », est à prohiber.

Par ailleurs, en l’absence de texte de niveau 2 de MiCA (actes délégués de la Commission européenne, complétant ou modifiant le règlement), il est nécessaire de se référer à la réglementation financière, qui prévoit de manière détaillée, les critères d’une information ex ante (avant la fourniture du service) et une information ex post (après la fourniture du service, au moins une fois par an, récapitulant le montant réel des paiements ou avantages reçus)[3].

Quand et sur quel support fournir l’information ?

En l’absence de plus de précisions par MiCA, un parallèle peut être réalisé avec la doctrine de l’AMF en matière de services d’investissement[1].

Sur cette base, le prestataire de conseil en crypto-actifs devrait transmettre au client l’information relative aux incitations reçues de tiers au même moment et sur le même support que le rapport sur l’évaluation de l’adéquation.

Dispense de fournir une information préalable :

Selon la doctrine de l’AMF, les prestataires de services d’investissement peuvent être dispensés de fournir l’information préalable sur les incitations, si le service est de même nature et porte sur le même type d’instruments financiers qu’un service fourni peu de temps auparavant.

Par analogie, les PSCA pourraient être dispensés de fournir les informations sur les incitations lorsque le service de conseil porte sur le même type de crypto-actif qu’un conseil fourni peu de temps auparavant.

Anticiper l’identification et la classification des incitations :

Avec un régime similaire à celui de la directive MIF 2, l’encadrement par MiCA de la perception des incitations par les PSCA ne constitue pas un obstacle pour les professionnels tels que les CIF qui disposent de procédures internes et de pratiques métiers presque équivalentes.

A contrario, les PSCA qui ne sont pas des professionnels de la finance traditionnelle doivent quant à eux d’autant plus anticiper la mise en œuvre de cet encadrement des incitations.

Enfin, l’ensemble des prestataires devront anticiper une réflexion sur les méthodes d’identification et de classification des incitations dont ils souhaiteront pouvoir bénéficier. Une réflexion qui aura un effet non-négligeable sur leur modèle d’affaires, leur compétitivité et leur indépendance.

Cet article a été écrit par Marion PERESSE-BRILLEAUD, Responsable Crypto-Fintech et Egide Mugande, Juriste Crypto-Fintech du cabinet d’avocats LCO.LEGAL.

LCO.LEGAL est un cabinet d’avocats en droit des affaires et fiscalité et se distingue par son positionnement sur les secteurs innovants et notamment sur les secteurs du web3 et de la fintech. Grâce à une approche pluridisciplinaire, L.CO.LEGAL traite les enjeux financiers, business et techniques de ses clients. Experte en regulatory, l’équipe du cabinet propose son expertise notamment dans le cadre de la mise en conformité des sociétés au regard des réglementations (nationales et européennes) applicables ou futures.

[1] Position – recommandation AMF – DOC-2013-10 – Incitations et rémunérations reçues dans le cadre de la distribution et de la gestion sous mandat d’instruments financiers

[1] AMF, MIF 2 Guide pour les sociétés de gestion de portefeuille

[2] Décision de la Commission des sanctions de l’AMF du 21 septembre 2012 (SAN-2012-15)

[3] Position – recommandation AMF – DOC-2013-10 – Incitations et rémunérations reçues dans le cadre de la distribution et de la gestion sous mandat d’instruments financiers

[1]Position – recommandation AMF – DOC-2013-10 – Incitations et rémunérations reçues dans le cadre de la distribution et de la gestion sous mandat d’instruments financiers