Dans un contexte où la frontière entre les services financiers traditionnels et les services sur crypto-actifs se fait plus fine, Marion PERESSE-BRILLEAUD, Responsable Fintech du cabinet d’avocats LCO.LEGAL, revient sur le cadre réglementaire applicable aux services de conseil en crypto-actifs et la gestion de portefeuille de crypto-actifs, à seulement quelques mois de l’entrée en application du règlement européen sur les marchés de crypto-actifs (« MiCA »).
En 2023, près de 12% des Français détenaient des cryptos et 30% se disaient intéressés pour s’y exposer selon l’enquête « Crypto en France » de l’Association pour le Développement des Actifs Numériques (ADAN) et KPMG.
Face à l’intérêt grandissant des investisseurs pour les crypto-actifs, il est intéressant pour les conseillers en investissement financiers (« CIF »), les sociétés de gestion de portefeuille (« SGP ») et les Family Offices, de saisir une opportunité de diversification des portefeuilles.
Quel encadrement du conseil en crypto-actifs et de la gestion de portefeuille de crypto-actifs ? Quelles sont les principales obligations ? Que faut-il anticiper ?
Dans une série de trois articles, seront abordés les points d’intérêts suivants :
- Le cadre général de MiCA pour la fourniture de services sur crypto-actifs ;
- L’évaluation de l’adéquation des crypto-actifs et des services sur crypto-actifs au profil de chaque client ;
- La gestion des incitations pécuniaires et non-pécuniaires.
Quel encadrement du conseil en crypto-actifs et de la gestion de portefeuille de crypto-actifs ?
En France, la loi PACTE du 22 mai 2019 a introduit dans le Code Monétaire et Financier les services de conseil aux souscripteurs d’actifs numériques et de gestion de portefeuille d’actifs numériques pour le compte de tiers. La fourniture de ces services n’est pas soumise à un enregistrement obligatoire en tant que Prestataire de Services sur Actifs Numériques (« PSAN ») par de l’Autorité des marchés financiers (« AMF »), mais peut faire l’objet d’un agrément optionnel.
A ce jour, aucun PSAN n’est agréé pour la réalisation de ces services.
C’est dans ce cadre que le règlement MiCA publié le 31 mai 2023 et qui entre pleinement en application le 30 décembre 2024, prévoit un cadre spécifique et adapté aux services de conseil en crypto-actifs et à la gestion de portefeuille de crypto-actifs.
Une définition harmonisée des crypto-actifs pour plus de sécurité juridique :
En l’absence d’un cadre réglementaire clair, les entreprises d’investissement et les sociétés de gestion ont longtemps été réticentes à l’égard des crypto-actifs.
Comment en effet proposer à des clients un actif dont la qualification juridique ne fait pas l’unanimité ?
Le règlement MiCA instaure dans l’Union européenne un cadre harmonisé pour la fourniture de services sur crypto-actifs. Les crypto-actifs y sont définis comme étant « une représentation numérique d’une valeur ou d’un droit pouvant être transférée et stockée de manière électronique, au moyen de la technologie des registres distribués ou d’une technologie similaire ».
De plus, MiCA définit aussi deux types de crypto-actifs communément nommés stablecoins et qui visent à conserver une valeur stable en se référant à la valeur d’une monnaie officielle (E-money token ou EMT), ou à la valeur ou un autre droit ou à une combinaison de ceux-ci, y compris une ou plusieurs monnaies officielles (Asset referenced token ou ART).
Les services de conseil et de gestion de portefeuille sur crypto-actifs :
MiCA définit 10 services sur crypto-actifs, dont 2 particulièrement pertinents en l’espèce :
- Le service de fourniture de conseils en crypto-actifs qui est « le fait d’offrir, de donner ou d’accepter de donner des recommandations personnalisées à un client, soit à la demande du client, soit à l’initiative du prestataire de services sur crypto-actifs qui fournit les conseils, concernant une ou plusieurs transactions relatives à des crypto-actifs, ou l’utilisation de services sur crypto-actifs» ; et
- Le service de gestion de portefeuille de crypto-actifs qui consiste dans la « gestion discrétionnaire et individualisée de portefeuille incluant un ou plusieurs crypto-actifs, dans le cadre d’un mandat donné par le client ».
Toute personne qui fournit ces services à titre professionnel, sera réputée être un prestataire de services sur crypto-actifs (« PSCA ») au sens du règlement MiCA et devra être agréée.
Le principe d’agrément du prestataire de services sur crypto-actifs :
MiCA pose en son article 59, paragraphe 1, le principe de l’agrément de PSCA toute fourniture de services sur crypto-actifs.
Le prestataire doit obligatoirement être une personne morale. Cette condition exclut les personnes physiques exerçant la profession de CIF, de la fourniture du service de conseils en crypto-actifs.
Pour obtenir un agrément, le prestataire devra se mettre en conformité avec un certain nombre d’exigences telles que :
- Agir de manière honnête, loyale et professionnelle au mieux des intérêts des clients ;
- Disposer d’un dispositif de gouvernance ;
- Disposer d’un dispositif LCB/FT ;
- Disposer d’un de procédures de traitement des réclamations ;
- Disposer d’un de procédures de gestion des conflits d’intérêts ; ou encore
- Assurer la maîtrise des risques d’externalisation.
Un avantage non négligeable pour les entités financières déjà régulées :
Tout principe ayant son exception, MiCA soumet certaines entités financières, dont l’entreprise d’investissement, la société de gestion d’OPCVM et le gestionnaire de fonds d’investissement alternatifs (« GFIA »), à une procédure simplifiée de notification à l’autorité compétente.
Cette procédure d’exception s’explique principalement par le fait que ces entités sont déjà soumises à une réglementation stricte et respectent un certain niveau de conformité.
A ce titre, MiCA pose le principe d’une équivalence entre les services sur crypto-actifs et certains services financiers dont :
- La réception et la transmission d’ordres ;
- Le conseil en investissement ; et
- La gestion individuelle de portefeuille.
Pour les entreprises d’investissement et les sociétés de gestion, il s’agit d’une véritable opportunité pour intégrer le marché des crypto-actifs et proposer des services dont l’intérêt est grandissant chez les investisseurs français.
Les entités financières concernées devront au moins 40 jours avant la fourniture du service, notifier certaines informations à l’autorité compétente. La complétude du dossier permettra à ces entités de commencer à fournir les services sur crypto-actifs.
Les règles spécifiques au conseil en crypto-actifs et à la gestion de portefeuille sur crypto-actifs :
D’une part, pour la fourniture de conseils en crypto-actifs, le prestataire devra particulièrement prêter attention à :
- L’évaluation de l’adéquation des services ou des crypto-actifs pour les clients ;
- Obtenir des informations relatives à l’expérience du client et à sa capacité à supporter les pertes ;
- L’information au client de l’indépendance dans la fourniture des conseils ; des frais et coûts associés au service ; ainsi que des risques relatifs aux crypto-actifs ;
- Ne pas accepter des frais, commissions ou avantages payés par un tiers pour la fourniture du service ;
- Respecter des conditions pour la perception d’incitations pécuniaires ou non-pécuniaires.
D’autre part, pour la gestion de portefeuille sur crypto-actifs, le prestataire veillera à :
- Evaluer l’adéquation des crypto-actifs au profil de chaque client ;
- Obtenir des informations relatives à l’expérience du client et à sa capacité à supporter les pertes ;
- Informer le client des risques relatifs aux crypto-actifs ;
- Fournir au client des relevés périodiques des activités de gestion.
Quoique nombreuses, ces règles ne constituent pas un obstacle pour les professionnels tels que les entreprises d’investissement et les sociétés de gestion, qui disposent de procédures internes et de pratiques métiers presque équivalents.
La directive MIF 2 du 15 mai 2014 accorde aux CIF une exemption exceptionnelle à l’agrément d’entreprise d’investissement, lorsqu’un cadre national existe (à ce titre les CIF doivent être immatriculés auprès de l’ORIAS). MiCA ne prévoyant pas une telle exemption, les CIF devront obtenir un agrément MiCA, et doivent d’autant plus anticiper cette démarche.
Cet article a été écrit par Marion PERESSE-BRILLEAUD, Responsable Crypto-Fintech et Egide Mugande, Juriste Crypto-Fintech du cabinet d’avocats LCO.LEGAL.
LCO.LEGAL est un cabinet d’avocats en droit des affaires et fiscalité et se distingue par son positionnement sur les secteurs innovants et notamment sur les secteurs du web3 et de la fintech. Grâce à une approche pluridisciplinaire, L.CO.LEGAL traite les enjeux financiers, business et techniques de ses clients. Experte en regulatory, l’équipe du cabinet propose son expertise notamment dans le cadre de la mise en conformité des sociétés au regard des réglementations (nationales et européennes) applicables ou futures.